Cinq ans après le vote de la “loi Kouchner” sur les “droits de malades”, l’article de cette loi qui concerne la transparence de l’information médicale n’est toujours pas appliqué. Le Formindep dépose un recours devant le Conseil d’Etat pour l’application de cette loi.

Le 4 mars 2002 était votée la loi relative «aux droits des malades et à la qualité du système de santé», dite “loi Kouchner”.

Cette loi constitue une avancée importante pour la construction d’une “démocratie sanitaire”, pour l’information des usagers et la qualité des soins. Cinq ans après son vote, l’article 26 de cette loi n’est toujours pas en vigueur faute de la promulgation de son décret d’application. Cet article précise que :

les membres des professions médicales qui ont des liens avec des entreprises et établissements produisant ou exploitant des produits de santé ou des organismes de conseil intervenant sur ces produits sont tenus de les faire connaître au public lorsqu’ils s’expriment lors d’une manifestation publique ou dans la presse écrite ou audiovisuelle sur de tels produits. Les conditions d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’Etat. Les manquements aux règles mentionnées à l’alinéa ci-dessus sont punis de sanctions prononcées par l’ordre professionnel compétent.

Article L. 4113-13 du Code de la santé publique

Ainsi, si cet article était appliqué, formateurs de professionnels de santé, “leaders” d’opinions, professeurs médiatiques, médecins chroniqueurs de presse, devraient, préalablement à leurs interventions sur un produit de santé, dévoiler sous peine de sanctions les liens commerciaux et financiers qui les lient aux fabricants de ce produit; et ce, que ces prises de parole aient lieu devant le grand public ou dans le cadre de la formation continue ou initiale des professionnels de santé. [1]

Savoir, par exemple, que le médecin auteur d’un article de presse ou intervenant dans une formation médicale lors de la sortie d’un “nouveau” médicament a reçu de l’argent ou des avantages de la firme le commercialisant, est un élément essentiel pour juger avec objectivité de la pertinence et de la crédibilité du message délivré.

L’application de cet article de loi favoriserait ainsi l’exercice de l’esprit critique, facteur de responsabilisation et de qualité des soins, pour les usagers comme pour les professionnels de santé destinataires de l’information.

L’application de cet article de loi contribuerait, pour les patients comme pour les professionnels de santé, à un meilleur usage des médicaments. La prise de conscience de la dimension publicitaire d’une information favoriserait des prescriptions plus raisonnées, et diminuerait de fait la fréquence d’effets indésirables potentiellement graves. Tout cela permettrait une réduction des coûts de santé liée à une meilleure qualité des soins, sans pénaliser les usagers, bien au contraire. Ainsi, une étude scientifique étatsunienne a montré que si les prescriptions pour le traitement de la seule hypertension artérielle étaient basées sur une information scientifique indépendante des influences commerciales, cela permettrait d’économiser 1,2 milliard de dollars (900 millions d’euros) chaque année aux Etats-Unis ! [2]

Depuis 2004, les responsables de la Direction générale de la santé et le Ministre de la santé ont été régulièrement interrogés par le Formindep [3]  et le sénateur Autain [4] [5] [6] entre autres, sur la date de sortie du décret d’application de l’article. La publication a été à chaque fois annoncée comme imminente : premier trimestre 2005, puis 2006, puis fin 2007 ou début 2008… Il s’agit sans doute d’un record national en matière de retard de publication de décret, qui confirme, s’il le fallait, le caractère “dérangeant” de cet article 26.

Le Formindep considère que la non application de cet article constitue un préjudice important pour la santé publique, la transparence de l’information, la qualité des soins, et le coût de la santé en France. Le Formindep considère que le retard à l’entrée en vigueur de l’article 26 de la loi sur les droits des malades et les tergiversations autour de son décret d’application n’ont que trop duré. Le 23 août 2006, par l’intermédiaire du cabinet de Maître Briard, avocat auprès du conseil d’Etat à Paris, le Formindep a officiellement saisi par lettre recommandée le Premier ministre, « dans l’intérêt général et de la santé publique », pour qu’il édicte le décret d’application de l’article 26 (L. 4113-13 du Code de la santé publique). L’absence de réponse du Premier ministre a constitué une décision implicite de rejet.

Le Formindep dépose donc le 5 mars 2007, cinquième anniversaire de la loi « relative aux droits des malades », un recours devant le Conseil d’Etat, pour obtenir dans les deux mois la promulgation du décret d’application de l’article 26 sur la transparence de l’information médicale, sous peine d’une astreinte de 1 000 euros par jour de retard.

Contact Presse

Accéder aux Documents sur l’article 26

[1] Le code de “bonnes pratiques” signé entre le président du Leem (syndicat des firmes pharmaceutiques) et le Ministre de la santé le 22 novembre 2006, qui livre la formation médicale continue des professions de santé aux firmes pharmaceutiques, précise dans son paragraphe 2.4. que « conformément à l’article L.4113-13 du code de la santé publique, il est rappelé que les membres des professions médicales qui ont des liens avec des entreprises et établissements produisant ou exploitant des produits de santé ou des organismes de conseil intervenant sur ces produits sont tenus de les faire connaître au public lorsqu’ils s’expriment lors d’une manifestation publique, et donc lors d’une réunion de formation » (site des conseils nationaux de la formation médicale continue).

On appréciera l’attitude du Ministre qui, dans ce code, se recommande d’un texte de loi qui n’est pas appliqué, et dont suite à la demande du Formindep, il refuse implicitement de prendre le décret d’application.

A noter également que, contrairement à ce qu’écrivait le responsable de la DGS chargé de la rédaction du décret en décembre 2004, le ministre reconnaît que le champ d’application de l’article 26 s’étend bien à la formation des professionnels de santé (voir note 3).

[2] Fischer MA, Avorn J. “Economic implications of evidence-based prescribing for hypertension : Can better care cost less ?” JAMA, 2004; 291 : 1850-1856

[3] Le 7 décembre 2004, le Formindep écrivait par courriel à la personne chargée à l’époque de la rédaction du décret à la Direction générale de la santé. Le 17 décembre, il lui était répondu que le « l’article L. 4113-13 ne permet pas d’étendre la communication des liens entre professions de santé et entreprises à des actions de formation, initiale ou continue » et que le « décret devrait paraître début 2005 »

[4] Le 25 octobre 2005, lors de l’audition de M. Didier Eyssartier, adjoint au directeur général de la santé, dans le cadre de la mission d’information sur le médicament de la commission des affaires sociales du sénat, le sénateur Autain lui a demandé « quand sera publié le décret prévu à l’article L. 4113-13 du code de la santé publique. (…) M. Didier Eyssartier a précisé (…) que le décret mentionné par François Autain devrait être publié à la fin de l’année 2007, ou au plus tard au début de l’année 2008. » Rapport du sénat n° 382 du 8 juin 2006 : « Médicament : restaurer la confiance » Marie-Thérèse Hermange, Anne-Marie Payet, rapporteures, page 155

[5] Le 8 février 2006, le sénateur François Autain interrogeait M. Didier Houssin, Directeur général de la santé, lors d’une table ronde sur la publication des décrets d’application de l’article 26. Celui-ci lui répondait que « Ce décret (…) est rédigé. Il va faire prochainement l’objet d’une consultation auprès des ordres médicaux et pharmaceutique et des ministères concernés. Le Conseil d’État pourrait donc être saisi dans la 2° quinzaine de mars et la publication de ce texte pourrait intervenir en avril 2006. »

[6] Le 24 janvier 2007, lors de la séance au Sénat sur la discussion sur le projet de loi relatif à la transposition de la directive européenne sur le médicament, M. Xavier Bertrand, ministre de la santé répond toujours au sénateur Autain : « Vous m’avez demandé pourquoi le décret sur le conflit d’intérêts des professionnels de santé, décret relatif au droit des malades, n’est toujours pas paru. La raison en est simple : (…) un travail de concertation très important a été mené avec l’ensemble des professionnels. Je peux vous annoncer qu’il va enfin être rédigé et soumis au Conseil d’État. »